Montevideo – Uruguay

Réhabilitation avec le carnaval dans la prison pour femmes

Domaines d'action

Région / pays

LE CONTEXTE DE VOTRE ACTION

Il y a plus de 14 ans, en faisant des recherches sur l’histoire de l’Abbé Pierre, les compagnons de la Communauté de travail Emmaüs Nuevo Paris apprirent que le premier collaborateur et volontaire de leur communauté s’appelait George et était un ancien détenu dont le destin épouvantable avait mené au bord du suicide. Notre fondateur avait vu en lui un être humain qu’il pouvait aider et qui pouvait à son tour l’aider : « C’est en sauvant les autres que l’on se sauve soi-même ».

C’est ainsi que naquit un projet qui fait désormais partie de l’héritage de l’Abbé Pierre. Nous avions l’intime conviction qu’il nous fallait mener une action sociale énergique. Une action au contenu bénéfique mais qui ne soit pas dépourvue de la politique sociale et constructive propre à Emmaüs. Travailler dans les prisons était et reste aujourd’hui encore très difficile en Uruguay. En découvrant cette initiative, certains groupes d’Emmaüs France proposèrent d’entamer une collaboration, instaurant ainsi un jumelage qui dura plusieurs années. Mais à la fin du projet de jumelage, les liens tissés étaient si forts que la communauté put tout de même continuer à travailler, avec beaucoup d’efforts et peu de moyens.
L’idée consistait à mettre en place un Atelier de création artistique débouchant sur la production d’ouvrages artisanaux et interdisciplinaires. Un atelier qui soit à la fois théorique et pratique. Un atelier mené à des fins principalement décoratives mais doublé d’une action sociale, conformément au mandat de tout membre d’un Mouvement tel que le nôtre.

LES ACTIVITÉS MENÉES DANS LE CADRE DE VOTRE ACTION

Le projet se présente sous la forme d’ateliers pluridisciplinaires reprenant surtout les métiers de la menuiserie, la forge, l’électricité, la carrosserie, etc. Les formations à ces métiers s’adressent tout particulièrement aux femmes.
Les ateliers d’artisanat, de peinture sur toile ou de fresques murales, de maquettes, de marqueterie, de tissage, de métiers à tisser et de couture sont quant à eux destinés aux hommes.

Nous démasquons la condition du genre et la mettons en exécution, de manière à ce que les hommes conçoivent des ouvrages à base de couture et les femmes des ouvrages à base de soudure.

Ces différents ateliers s’articulent autour d’un même objectif : celui d’apprendre et, surtout, de participer à quelque chose et de s’occuper. Cela a permis aux participant(e)s de découvrir leurs capacités et aptitudes et d’en acquérir d’autres rapidement. De nombreuses femmes n’avaient jamais effectué de travail autre que domestique et ont ainsi pu découvrir leur côté créatif grâce à ces ateliers atypiques d’un point de vue du genre.

Le but premier de ces ateliers consistait à leur offrir un espace agréable de liberté dans l’univers carcéral, pour que les participant(e)s comprennent leur erreur et ne retournent plus jamais en prison ou plutôt, pour qu’elles/ils ne commettent plus jamais de délit.

Compléter l’éducation formelle grâce à notre initiative informelle (selon le ministère public, de nombreuses organisations non gouvernementales travaillent de façon informelle, ce qui n’empêche pas notre action d’être formellement efficace).
A l’occasion du carnaval, nous réalisons des chars allégoriques à l’aide de matériaux jetables pour sensibiliser à l’environnement. Pour ce faire, nous avons collecté et réutilisé les emballages plastiques jetés à la poubelle par la population carcérale. Nous les avons réutilisés à des fins pédagogiques et avons exposé nos œuvres d’art dans les défilés principaux.
Détail d’importance : la majorité des participant(e)s (80%) ces dernières années n’a pas commis d’autres délits ; il s’agit là de données fiables reposant sur des noms et des documents d’identité.
Tout est lié, ce qui fait que le Projet Prison possède de nombreuses implications dans chacune des luttes Emmaüs.

QUI S’IMPLIQUE DANS VOTRE GROUPE ?

Un seul compagnon est directement impliqué dans ce projet, avec le soutien du coordinateur social.
●Le groupe apporte son soutien pour le choix des matériaux, des vêtements ou des appareils électriques qui doivent fonctionner avec les infrastructures de l’établissement. Il s’agit là d’articles en parfait état de fonctionnement issus de dons directs.
●Le compagnon-professeur doit réaliser des tâches variées, avoir des connaissances dans différents domaines techniques, en particulier les métiers en question, et si possible connaître diverses techniques culturelles et artistiques.
●Le compagnon-professeur responsable du projet doit avoir une longue expérience professionnelle dans les prisons, ce que l’on peut constater dans l’accueil qu’il reçoit chaque fois qu’il se rend dans un établissement pénitentiaire.
●Nuevo Paris prend en charge le salaire et les frais du compagnon, qui se trouve par ailleurs être un volontaire : en effet, il effectue de façon solidaire plusieurs journées de travail et de nombreuses heures supplémentaires.
Nuevo Paris prévoit en outre une enveloppe mensuelle pour les dépenses liées aux matériaux, frais de port, etc.
●Divers organismes travaillant sur la question des prisons participent au projet et coordonnent les activités auxquelles collaborent de nombreuses autres personnes.

AVEC QUELS PARTENAIRES PORTEZ-VOUS CETTE ACTION ?

L’entreprise a donné lieu à quelques collaborations, de façon très ponctuelle et selon des modalités précises.
Des alliances stratégiques ont été mises en place avec l’état uruguayen par le biais des différents organes du gouvernement.
La plupart du temps, ces institutions ont pris part à l’initiative de façon ponctuelle avant de se retirer ; le groupe Nuevo Paris a quant à lui assuré la continuité du projet ; il s’agit là de sa plus belle action sociale, complétée par son expérience et ses connaissances de terrain.

Quelques-unes des institutions en question :
Administrations municipales de Montevideo, Canelones, Lavalleja, Florida, Rio Negro
Mairies des zones A et G—Bureau national des libérés et anciens détenus
Ministère de l’éducation et de la culture—Centres MEC, notamment ceux de Canelones et Lavalleja
Citoyenneté culturelle MEC—Programme « Esquinas de la cultura »/ IMM—Daecpu –
Coordination de l’éducation et de la culture de l’INR—Musée du carnaval—« Canelones de Muestra », association culturelle—« Cutcsa », compagnie d’autobus—Bureau des femmes privées de liberté et ses membres
Commissaire parlementaire—Ministère du développement social MIDES—Eglises –Bibliothèque nationale
Antel « sala lumiere » –Jumelage avec des groupes de France
Et bien d’autres entités et personnes anonymes.
Institutions et troupes culturelles, artistes de théâtre et de cinéma, artistes plasticiens, musiciens et danseurs, chorégraphes et écrivains de renom en Uruguay comme à l’international.

Le plan d’action et de gestion se résume comme suit :
Il s’organise en 6 étapes
1) Etape de planification : coûts, recettes, gestion, alliances
2) Etape d’exécution : objectifs communs et stratégiques
3) Etape d’exposition publique : réussites et produits
4) Etape d’évaluation : impacts au niveau interne et sur la société.
5) Après mise en œuvre de toutes les étapes : évaluation de fin d’année.
6) Temps d’attente ou d’analyse, de gestion, d’exécution.

Projet carnaval 10 mois
Latu « hecho aca » 6 mois
Projets à l’abandon 12 mois
Projets individuels de détenus 12 mois
Associations, institutions, ONG, etc. qui avaient abandonné  2 mois
Création de nouvelles entreprises 2 mois
Régularisation des métiers dans les prisons 6 mois
Abandon ou démantèlement des projets infructueux 2 mois
Aide aux personnes : vêtements, démarches administratives, etc 12 mois.

PERSPECTIVES FUTURES

Nous travaillons avec une population variée :
• CNR POUR FEMMES 400 détenues de haute et moyenne sécurité, mères avec enfants, femmes enceintes
• CANELONES HOMMES 1200 détenus des trois niveaux de sécurité
• PUNTA RIELES HOMMES 800
• MINAS CAMPANERO FEMMES ET HOMMES 300 3 niveaux de sécurité
• FLORIDA 259 détenus, prison centrale et « chacra » (prison village), hommes et femmes des trois niveaux de sécurité
• COMCAR 3000 détenus – secteur pôle technologique, secteur 10—11—12, 2 niveaux de sécurité.
• Autres centres : Colonia, San José, Maldonado, Rivera

PARTAGEZ LES AVANCÉES ET LES SUCCÈS OBTENUS VIA VOTRE ACTION

Tout se trouve sur internet, dans la presse, dans des vidéos YouTube, sur les réseaux sociaux.
La diffusion externe assurée par la presse constitue l’une de nos réussites passées et présentes, le plus important restant toutefois la mobilisation au niveau interne et le taux de participation élevé des personnes privées de liberté.
La preuve, c’est qu’un jour, au cours d’une des réunions organisées régulièrement avec la direction, on a entendu le commentaire suivant :
« … nous vous annonçons qu’à compter de ce jour, vous disposerez d’un nombre limité d’heures pour vos ateliers : sinon plus personne n’assiste aux cours de tel autre professeur car tout le monde souhaite participer à l’atelier de carnaval… »
Annonce regrettable car elle exprime l’objection de la direction, mais qui prouve par ailleurs que le travail d’Emmaüs fait l’unanimité chez les détenus. Il a également été dit que les ateliers d’Emmaüs se déroulaient dans la bonne humeur et que cela était inconvenant. C’est ce qui fait de nous des provocateurs de changement : en voilà le meilleur exemple ! Et nous nous réjouissons que les choses soient ainsi.

VOUS SOUHAITEZ AJOUTER UNE INFORMATION COMPLÉMENTAIRE SUR VOTRE ACTION ?

Le travail réalisé a apporté une visibilité aux droits humains des personnes privées de liberté, qui perdent uniquement le droit d’aller où bon leur semble. Nous avons dénoncé les privations de leurs droits en nous appuyant sur des déclarations internationales.

DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME
PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS.
PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES
CONVENTION AMERICAINE RELATIVE AUX DROITS DE L’HOMME

Nôtre héritage, notre manifeste et l’identité Emmaüsienne.

QUELS BESOINS AVEZ-VOUS IDENTIFIES POUR AMPLIFIER OU PERENNISER VOTRE ACTION ?

Nous avons eu besoin d’un soutien économique et financier renforcé pour pouvoir poursuivre notre action.
De compréhension politique et humaine de la part des représentants nationaux pour renforcer les alliances stratégiques avec l’ensemble des institutions participantes.

D’un engagement renforcé de notre part, en particulier de toute la communauté. Il s’agit en effet d’un travail sur le long terme qui implique notamment d’apporter une aide aux personnes en dehors de la prison, en particulier les familles.
Il convient de former d’autres compagnons pour que ces derniers puissent faire perdurer cette action.

Nous voulons montrer notre initiative aux Emmaüsien.ne.s du monde entier, organiser des séminaires, des colloques pour que l’on comprenne cette réalité et le fait que la délinquance est un phénomène mondial, en particulier quand il s’agit de drogue.