Liberté de circulation

Agissons contre l’impuissance des gouvernements pour prôner une politique migratoire alternative

Agissons contre l’impuissance des gouvernements pour prôner une politique migratoire alternative

Pour la journée mondiale des réfugiés, Emmaüs International rappelle l’importance d’un accueil inconditionnel des migrants dans notre société face aux manquements des Etats et des gouvernements à leur devoir d’hospitalité et d’humanité.

Emmaüs International s’engage depuis des années pour une gouvernance alternative des migrations. Au sein du Mouvement Emmaüs, les migrations ne sont pas pensées comme des échecs, des coûts ou des questions électorales, mais comme un droit fondamental : tout citoyen a le droit de circuler librement, c’est d’ailleurs ce que rappelle la campagne d’Article 13 avec de nombreuses actions mobilisatrices en faveur de la libre-circulation.

La migration est un droit, c’est également le mot d’ordre de l’OCU, – organisation impulsée par Emmaüs International, Utopia et France Libertés – qui prône la citoyenneté universelle, et consacre le fait qu’aucun humain n’est illégal. Cette prise de position implique de traiter la question des migrations avec solidarité, et pas uniquement à travers le prisme législatif.

En d’autres termes, il est de notre responsabilité de s’impliquer pour construire une politique migratoire alternative, sans laisser la compétence aux seuls Etats mais également aux acteurs sociaux et associatifs, aux représentants de collectivités locales et territoriales et aux migrants eux-mêmes, une dynamique portée par les Etats Généraux des Migrations dont Emmaüs International est membre. Les Etats seuls ne peuvent porter la responsabilité de l’accueil et l’inclusion des migrants dans la société, et les derniers évènements de l’actualité prouvent à quel point ils sont incapables d’endosser cette responsabilité.

Crise de l’Aquarius, crise de la solidarité

Lundi 18 juin, l’Aquarius, navire affrété par l’ONG SOS Méditerranée a trouvé refuge dans le port de Valence après avoir sauvé 629 migrants en provenance de Libye le 10 juin. Ce sont huit jours de trop, où l’Aquarius a été contraint de faire des ronds dans l’eau, accroissant la précarité des personnes à son bord, pendant que les gouvernements européens préféraient fermer leurs ports et rejeter la responsabilité de l’accueil sur leurs voisins respectifs.

Situé entre les îles maltaise et sicilienne lors du sauvetage, l’Aquarius s’est vu opposé un « non » catégorique de la part de Rome et La Valette, pourtant tenus par le droit maritime de coopérer, déplorent les experts juridiques de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

En place et lieu de coopération, Matteo Salvini, nouveau ministre italien de l’Intérieur issu du parti d’extrême-droite de la Ligue du Nord, s’est au contraire vanté de bloquer l’entrée de l’Aquarius, qu’il relègue à un « service de taxi maritime ». De son côté, La Valette a immédiatement affirmé que Malte n’était pas concerné, ayant refusé d’adhérer aux amendements de la loi maritime Save and Rescue – piètre gloire que d’être le seul Etat au monde à les avoir refusés, rappelle ironiquement quatre juristes européens dans la tribune du Monde du 17 juin.

Des gouvernements irresponsables et une absence de politique européenne commune

Plus que l’aspect juridique, cette « crise de l’Aquarius » interpelle sur l’aspect humain. Le constat est sans appel : face à la détresse de 629 personnes, les dirigeants européens (hormis le nouveau gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez) ont préféré s’invectiver, créer des imbroglios diplomatiques ou s’effacer derrière un silence poli, au lieu de d’agir avec efficacité et dignité.

Au premier plan, le gouvernement Macron qui, faisant la sourde oreille face à la proposition corse d’ouvrir un de ses ports, s’est contenté d’attaquer « la part de cynisme et d’irresponsabilité » du gouvernement italien. Au micro de France Culture, Sophie Rahal, la porte-parole de SOS Méditerranée rappelle toutefois que l’Italie a accueilli 700 000 migrants depuis 5 ans.

La réalité de l’accueil en France est bien différent. Pour rappel, la Commission européenne a mis en place un programme de relocalisation de demandeurs d’asile en 2015 en répartissant les demandes d’asile de 100 000 migrants dans différents Etats membres de l’UE. A titre d’exemple, la France s’était engagée à évaluer les demandes d’asile de 7115 migrants en provenance d’Italie.

En réalité, elle n’a accueilli que 635 migrants, soit 9% de son quota, souligne les derniers chiffres de la Commission européenne (mai 2018). La France fait donc partie des Etats les moins respectueux de cet engagement commun pour réinstaller les migrants en provenance d’Italie : l’Allemagne, elle, a accueilli 52% de son quota, les Pays-Bas 48%, la Belgique 33%.

La solidarité internationale bafouée

Depuis son élection, le président français a mis en place une politique extrêmement restrictive de l’accueil des migrants, préférant faire la sourde oreille aux cris d’alerte des associations et acteurs de la société civile. Au contraire, de nets reculs et mécanismes liberticides ont été mis en place, qui s’illustrent dans le projet de loi Collomb : réduction des délais pour déposer une demande d’asile et un recours, renvoi simplifié des déboutés, systématisation des interdictions de circulation et de présence sur le territoire français via un système de rétention accru.

L’arsenal de mesures liberticides déployé sous le gouvernement Macron est sans précédent, et s’oriente dangereusement vers une politique résolument tournée vers l’exclusion plutôt que vers l’accueil et l’inclusion. Emmaüs International déplore cette prise de position, qui va à l’encontre de la solidarité et des valeurs d’accueil universel que le Mouvement promeut depuis sa création.

Une interrogation réelle se pose sur les capacités des gouvernements européens à penser les migrations autrement qu’en termes de « crise », et sur les solutions communes envisagées à long-terme. Ces accords cyniques, à l’encontre de la dignité des personnes migrantes et du respect de leurs droits fondamentaux, tout comme l’arsenal juridique liberticide (règlementation Dublin, projet de loi Collomb…) ne peuvent continuer.

Là où des logiques financières et diplomatiques s’appliquent actuellement, la notion de solidarité internationale et de respect des droits humains devrait primer. L’accueil inconditionnel et dans la dignité reste une valeur fondamentale au cœur de l’identité d’Emmaüs, tout comme l’instauration d’une citoyenneté universelle.

En cette journée mondiale du réfugié, rappelons-nous que ces combats sont à mettre en œuvre au quotidien pour faire primer la solidarité citoyenne, en particulier dans le contexte actuel de crise des politiques migratoires et d’échec des Etats pour promouvoir un accueil digne.